# 🎤 — Let's talk

Let’s Talk – Yvonne Senouf

Par Dominique PRASIVORAVONG , le 23 janvier 2023 - 11 minutes de lecture

Nous avons eu la chance de discuter longuement avec Yvonne Senouf : galeriste, productrice, consultante, TEDx speaker, c’est une touche à tout qui a toujours suivi les évolutions technologiques jusqu’à tomber amoureuse de la blockchain.

Vraie « free thinker », elle reconnait avoir toujours été libre, insoumise à l’establishment (« pour le meilleur et pour le pire » selon elle). Avec une expérience longue et riche, c’est 30 ans de carrière dans l’art que nous avons condensé dans cette interview.

Le « Let’s Talk » du jour s’intéresse donc à une personnalité affirmée, une femme du monde, aux multi-compétences et à l’œil ultra-aiguisé, passionnant !

Let’s talk – Yvonne Senouf

Yvonne, peux-tu te présenter succinctement ?

Je suis une productrice créative, issue du monde de l’art traditionnelle qu’on qualifie souvent de « Fine Art ». Sur le plan académique, j’ai une double formation : histoire initialement et plus tard, gestion culturelle et le tout, aux Etats-Unis à Brandeis et Columbia University.

J’ai tout de suite travaillé dans le milieu de l’art, chez de grands noms : la Galerie McKee, Christie’s, le MOMA, le Studio Museum à Harlem par exemple. Néanmoins, je me suis rapidement sentie comme un poisson hors de l’eau car à un certain niveau, le système était peu inclusif pour les femmes et les valeurs prônées étaient très traditionnelles, alors que je travaillais quotidiennement à la pointe de la technologie dans le monde de l’art.

J’ai toujours été intéressée par travailler dans le domaine public et naturellement, j’ai créé un espace privé à New York qui s’appelait « Clinica Aesthetica ». C’était un laboratoire d’idées qui mettait en contact la culture avec les marques tout en les accompagnant sur les financements. C’était un modèle novateur à l’époque. 

Et comme il m’importe de rendre à la société, les causes sociales ont toujours été en filigrane dans mon travail. Dans les années 90 par exemple, j’organisais régulièrement des enchères pour lever des fonds pour la lutte contre le SIDA pour la communauté Latino.

Après avoir quitté New York, j’ai co-fondé avec mon amie Corinne Weber, un nouveau projet, cette fois à but non-lucratif : Atelier MELD 

C’est une plateforme qui met en relation des artistes avec des scientifiques pour créer des nouvelles perceptions sur les grands problèmes de l’humanité.

En effet, j’ai pris part à la lutte contre le changement climatique et MELD était ma réponse face à ce défi : créer une conversation entre des artistes et des scientifiques pour obtenir une œuvre d’art qui illustre le message d’urgence mais encore trop complexe à comprendre à l’époque.

De fait, cela fait plus de 30 ans que je gravite dans cet écosystème.

Peux tu nous citer quelques noms de personnes ou artistes avec qui tu as travaillés ?

Pour en nommer quelques uns : Ange Leccia, Janaina Tschape, Vik Muniz, Felice Varini, Alexander Schellow et bien d’autres.

Alexander Schellow – Trailer du documentaire d’animation KIFISSOS – Atelier MELD, 2018

Revenons sur la technologie et l’art : tu nous disais « les artistes sont toujours à la pointe », qu’entends-tu par là ?

Non seulement les artistes sont au centre de toute révolution socio-économique-politique mais aussi ils s’approprient systématiquement les nouvelles technologies pour enrichir leurs processus créatifs, jusqu’à parfois s’approprier complètement un médium. 

La photo, la vidéo, l’informatique ou encore Internet sont des outils qui ont été exploités dès leur création par des artistes. L’art numérique, entendu comme des œuvres créés avec une assistance informatique, date des années 50/60. Pour passer leur message, les artistes ont toujours chercher un moyen de s’exprimer. Aujourd’hui, avec la blockchain, les NFT, c’est le cas : ce n’est pas seulement parce que les NFT permettent la propriété numérique, c’est surtout parce que c’est une innovation en elle-même.

Comment as-tu découvert la blockchain et les NFT ?

Au début, c’était par mes amis, les fondateurs de Niio.com, une super startup israélienne dédiée à l’art digital et aux artistes numériques.  Il y a déjà 10 ans ils rêvaient d’une propriété intellectuelle digitale qui permettrait aux artistes numériques de protéger leurs œuvres et de la monétiser.

Puis, début 2021, j’ai été recruté comme consultante pour la startup hongkongaise Carbon Base qui voulait créer une marketeplace NFT dédiée à la conservation : https://www.project-ark.co/

J’ai la chance d’avoir toujours considéré l’art comme une expérience : je n’ai jamais eu de problème entre le tangible et l’intangible. J’adore les artistes performateurs : quand on assiste à une performance, on n’achète pas un danseur ou une musique, on assiste à une expérience. Alors quand j’ai découvert la blockchain et les NFT, j’ai tout de suite perçu l’opportunité pour les créateurs d’art numérique mais aussi, performatifs et visuels.

Double Triangles for Columns – œuvre Inaugurale de la Clinica Aesthetica par Felice Varini (1997)

Comment le Web3 révolutionne l’art ?

Nous sommes en pleine renaissance digitale : on vit pratiquement en ligne. Déjà avec le Web2 nous redéfinissions ce qu’est l’art : la culture populaire et le high art sont en train de se mélanger.

Nous avons tous à disposition des outils qui permettent de créer des œuvres digitales. Avec un téléphone et de simples filtres, on peu déjà créer des œuvres.

Mais précisons que j’ai dit des « œuvres », pas de l’art. Historiquement, l’art (dans le monde traditionnel) est défini par une troisième partie qui sont la galerie, le curateur et l’institution. C’est trois rôles, qui font la carrière d’un artiste, sont très centralisés, longs, difficiles, compétitifs et très subjectifs.

Avec le Web2, tout le monde peut exposer, s’exposer et la viralité des réseaux sociaux crée de belles histoires. Bien que, les contenus ne sont pas dans les mains des créateurs !

Grâce au Web3, les créateurs de contenu peuvent sortir des plateformes centralisées, rester propriétaires de leur création et les monétiser. La « creator’s economy » est une belle promesse du Web3. On voit bien que la communauté est au cœur du Web3 et cela vient équilibrer la relation avec la troisième partie dont je parlais précédemment.

Les rôles se mélangent, et les artistes peuvent être collectionneurs, curateurs et vice-versa !  L’écosystème est loin d’être parfait mais à l’essence, c’est un système plus démocratique, qui peut permettre plus d’inclusivité.

Plus largement, qu’est-ce que le Web3 de ton point de vue ?

J’adore la philosophie de Bitcoin, les valeurs portées par le Web3 telles que la décentralisation et surtout, une meilleure répartition des richesses. C’est une opportunité unique de sortir de 20 ans de Web2 dans lequel les GAFAM se répartissent un énorme gâteau sans partage, au détriment des utilisateurs et de la vie privée.

Cependant, j’ai l’impression qu’on ne peut pas s’empêcher de répéter les mêmes erreurs : je vois déjà les tentatives d’Apple ou Meta de s’accaparer les usages des NFT et taxer littéralement les créateurs à nouveau. Si les utilisateurs ne font pas le bon choix, c’est-à-dire celui de l’alternative, alors malheureusement on se retrouveras dans la même situation qu’aujourd’hui.

La technologie ne décide pas pour nous, ce n’est qu’un outil.

Pour mieux te connaitre, peux-tu nous livrer tes coups de cœur Web3/NFT etc. ?

Ouf dur ! Je suis trop éclectique, cela dit voici quelques artistes dont le travail m’a beaucoup touché et que je ne connaissais pas avant la montée de la blockchain.

Les fondatrices de la plateforme TheVERSEVerse : Kalen Iwamoto-Ana, Maria Caballero et Sasha Stiles, des poétesses entre autres qui ont su utiliser la blockchain pour amener la poésie à l’avant de la scène culturelle.

Sofia Crespo (NDLR : que nous avions admiré sur la scène de NFT In Europe en septembre 2022), CymoonV, Memo Akten, Marjan Moghaddam et bien d’autres…

La question est complexe mais selon toi… est-ce que « l’art peut changer le monde » ?

C’est très ambitieux de le dire, mais je pense que oui et c’est même plus large que cela : « la culture change le monde, c’est ce qui reste quand on a tout oublie ».

 C’est difficile de le quantifier, même si avec les réseaux sociaux, les compteurs permettent de savoir si une photo ou une vidéo se viralise, pour le meilleur et pour le pire. Cependant, l’idée qu’une image puisse véhiculer un message et fasse changer des comportements, j’en suis témoin.

Le « Inside Out Project » initié par JR, et que j’ai développé à Athènes en est un bel exemple. La capitale de la Grèce est multiculturelle et nous avions fait un travail d’hommage aux enfants de la rue.  Inspirées par un fait obscur de la capitale Grecque, (la disparition de plus de 800 enfants de rue) nous avons initié des conversations entre les enfants des différents classes sociales par le biais d’un travail de photographie et d’installation dans la rue. 

Le résultat fut incroyable : les enfants et parents, de différentes provenances socio-économiques, se sont liés d’amitiés, le jour du collage des photographies dans la ville.

Les gens ont pris conscience de l’opacité du « nettoyage » organisé par le gouvernement, nous avons éveillés des consciences par le biais de l’art urbain.

Yvonne Senouf (à dr.), poing levé, lors de la performance « Inside Out Project » à Athènes

Yvonne, peux-tu nous parler de ton actualité ?

Aujourd’hui, je porte deux Projets lies à l’impact, qui sont ancrées dans mon passé.

Le projet « J0ining the D0ts », qui est une émanation du Inside Out Project en mode Web3.

Cela dit, en raison de la complexité du projet, et la demande d’une équipe plus engagée, j’ai du mettre le projet temporairement en « Hold ».

Projet Nero est le deuxième projet sur lequel je travaille activement : Une ode à l’eau ! Un projet que l’on travaille depuis 10 ans avec des artistes et des experts que nous amenons au monde du Web3 sur plusieurs formats, mais je préfère ne pas trop parler jusqu’à ce que tout soit plus concret.

Le projet Nero, une ode à l’eau et une action en faveur du climat

Par ailleurs, je poursuis mon activité de consultante au profit de projets qui mêlent blockchain et art. A ce titre, j’ai monté un cours pour former tous ceux qui veulent entrer dans cet espace de manière simple, ludique et avec des références socio-culturelles de mon expérience.

Enfin, je soutiens beaucoup de causes autour du changement climatique, de l’inclusion, du women empowerment, la solidarité. Je suis définitivement une militante !

Conclusion

Difficile de résumer une carrière aussi riche et des combats aussi justes que ceux d’Yvonne Senouf en un seul Let’s Talk ! Son background, son énergie et sa verve sont communicatifs. Chez HelloToken, on adore les BUILDers aux valeurs positives !

Lien(s) utile(s)

Tedx (YouTube)

Interview à l’université Colombia

Archives de Clinica Aestetica

Twitter de Joining the Dots

Instagram de Joining the Dots

Twitter de MELD

Dominique PRASIVORAVONG

Geek depuis (trop) longtemps, 1er PC : 286 à 16Mhz 🚀 Artiste martial (Taekwondo BB 🥋, Muay Thaï 🥊) #Sport #Bagarre. Amateur de tocantes ⌚ Accessoirement double profil Finance/RH 🤓 Trop curieux pour être simplement ce qu'on attend de moi.

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