Let’s Talk – Yvonne Senouf
Nous avons eu la chance de discuter longuement avec Yvonne Senouf : galeriste, productrice, consultante, TEDx speaker, câest une touche Ă tout qui a toujours suivi les Ă©volutions technologiques jusquâĂ tomber amoureuse de la blockchain.
Vraie « free thinker », elle reconnait avoir toujours Ă©tĂ© libre, insoumise Ă lâestablishment (« pour le meilleur et pour le pire » selon elle). Avec une expĂ©rience longue et riche, câest 30 ans de carriĂšre dans lâart que nous avons condensĂ© dans cette interview.
Le « Letâs Talk » du jour sâintĂ©resse donc Ă une personnalitĂ© affirmĂ©e, une femme du monde, aux multi-compĂ©tences et Ă lâĆil ultra-aiguisĂ©, passionnant !
Table des matiĂšres
Letâs talk â Yvonne Senouf
Yvonne, peux-tu te présenter succinctement ?
Je suis une productrice crĂ©ative, issue du monde de lâart traditionnelle quâon qualifie souvent de « Fine Art ». Sur le plan acadĂ©mique, jâai une double formation : histoire initialement et plus tard, gestion culturelle et le tout, aux Etats-Unis Ă Brandeis et Columbia University.
Jâai tout de suite travaillĂ© dans le milieu de lâart, chez de grands noms : la Galerie McKee, Christieâs, le MOMA, le Studio Museum Ă Harlem par exemple. NĂ©anmoins, je me suis rapidement sentie comme un poisson hors de lâeau car Ă un certain niveau, le systĂšme Ă©tait peu inclusif pour les femmes et les valeurs prĂŽnĂ©es Ă©taient trĂšs traditionnelles, alors que je travaillais quotidiennement Ă la pointe de la technologie dans le monde de lâart.
Jâai toujours Ă©tĂ© intĂ©ressĂ©e par travailler dans le domaine public et naturellement, jâai créé un espace privĂ© Ă New York qui sâappelait « Clinica Aesthetica ». CâĂ©tait un laboratoire dâidĂ©es qui mettait en contact la culture avec les marques tout en les accompagnant sur les financements. CâĂ©tait un modĂšle novateur Ă lâĂ©poque.Â
Et comme il mâimporte de rendre Ă la sociĂ©tĂ©, les causes sociales ont toujours Ă©tĂ© en filigrane dans mon travail. Dans les annĂ©es 90 par exemple, jâorganisais rĂ©guliĂšrement des enchĂšres pour lever des fonds pour la lutte contre le SIDA pour la communautĂ© Latino.
AprĂšs avoir quittĂ© New York, jâai co-fondĂ© avec mon amie Corinne Weber, un nouveau projet, cette fois Ă but non-lucratif : Atelier MELDÂ
Câest une plateforme qui met en relation des artistes avec des scientifiques pour crĂ©er des nouvelles perceptions sur les grands problĂšmes de lâhumanitĂ©.
En effet, jâai pris part Ă la lutte contre le changement climatique et MELD Ă©tait ma rĂ©ponse face Ă ce dĂ©fi : crĂ©er une conversation entre des artistes et des scientifiques pour obtenir une Ćuvre dâart qui illustre le message dâurgence mais encore trop complexe Ă comprendre Ă lâĂ©poque.
De fait, cela fait plus de 30 ans que je gravite dans cet écosystÚme.
Peux tu nous citer quelques noms de personnes ou artistes avec qui tu as travaillés ?
Pour en nommer quelques uns :Â Ange Leccia, Janaina Tschape, Vik Muniz, Felice Varini, Alexander Schellow et bien dâautres.
Alexander Schellow â Trailer du documentaire dâanimation KIFISSOS â Atelier MELD, 2018
Revenons sur la technologie et lâart : tu nous disais « les artistes sont toujours Ă la pointe », quâentends-tu par lĂ Â ?
Non seulement les artistes sont au centre de toute rĂ©volution socio-Ă©conomique-politique mais aussi ils sâapproprient systĂ©matiquement les nouvelles technologies pour enrichir leurs processus crĂ©atifs, jusquâĂ parfois sâapproprier complĂštement un mĂ©dium.Â
La photo, la vidĂ©o, lâinformatique ou encore Internet sont des outils qui ont Ă©tĂ© exploitĂ©s dĂšs leur crĂ©ation par des artistes. Lâart numĂ©rique, entendu comme des Ćuvres créés avec une assistance informatique, date des annĂ©es 50/60. Pour passer leur message, les artistes ont toujours chercher un moyen de sâexprimer. Aujourdâhui, avec la blockchain, les NFT, câest le cas : ce nâest pas seulement parce que les NFT permettent la propriĂ©tĂ© numĂ©rique, câest surtout parce que câest une innovation en elle-mĂȘme.
Comment as-tu découvert la blockchain et les NFT ?
Au dĂ©but, câĂ©tait par mes amis, les fondateurs de Niio.com, une super startup israĂ©lienne dĂ©diĂ©e Ă lâart digital et aux artistes numĂ©riques. Il y a dĂ©jĂ 10 ans ils rĂȘvaient dâune propriĂ©tĂ© intellectuelle digitale qui permettrait aux artistes numĂ©riques de protĂ©ger leurs Ćuvres et de la monĂ©tiser.
Puis, dĂ©but 2021, jâai Ă©tĂ© recrutĂ© comme consultante pour la startup hongkongaise Carbon Base qui voulait crĂ©er une marketeplace NFT dĂ©diĂ©e Ă la conservation : https://www.project-ark.co/
Jâai la chance dâavoir toujours considĂ©rĂ© lâart comme une expĂ©rience : je nâai jamais eu de problĂšme entre le tangible et lâintangible. Jâadore les artistes performateurs : quand on assiste Ă une performance, on nâachĂšte pas un danseur ou une musique, on assiste Ă une expĂ©rience. Alors quand jâai dĂ©couvert la blockchain et les NFT, jâai tout de suite perçu lâopportunitĂ© pour les crĂ©ateurs dâart numĂ©rique mais aussi, performatifs et visuels.
Comment le Web3 rĂ©volutionne lâart ?
Nous sommes en pleine renaissance digitale : on vit pratiquement en ligne. DĂ©jĂ avec le Web2 nous redĂ©finissions ce quâest lâart : la culture populaire et le high art sont en train de se mĂ©langer.
Nous avons tous Ă disposition des outils qui permettent de crĂ©er des Ćuvres digitales. Avec un tĂ©lĂ©phone et de simples filtres, on peu dĂ©jĂ crĂ©er des Ćuvres.
Mais prĂ©cisons que jâai dit des « Ćuvres », pas de lâart. Historiquement, lâart (dans le monde traditionnel) est dĂ©fini par une troisiĂšme partie qui sont la galerie, le curateur et lâinstitution. Câest trois rĂŽles, qui font la carriĂšre dâun artiste, sont trĂšs centralisĂ©s, longs, difficiles, compĂ©titifs et trĂšs subjectifs.
Avec le Web2, tout le monde peut exposer, sâexposer et la viralitĂ© des rĂ©seaux sociaux crĂ©e de belles histoires. Bien que, les contenus ne sont pas dans les mains des crĂ©ateurs !
GrĂące au Web3, les crĂ©ateurs de contenu peuvent sortir des plateformes centralisĂ©es, rester propriĂ©taires de leur crĂ©ation et les monĂ©tiser. La « creatorâs economy » est une belle promesse du Web3. On voit bien que la communautĂ© est au cĆur du Web3 et cela vient Ă©quilibrer la relation avec la troisiĂšme partie dont je parlais prĂ©cĂ©demment.
Les rĂŽles se mĂ©langent, et les artistes peuvent ĂȘtre collectionneurs, curateurs et vice-versa ! LâĂ©cosystĂšme est loin dâĂȘtre parfait mais Ă lâessence, câest un systĂšme plus dĂ©mocratique, qui peut permettre plus dâinclusivitĂ©.
Plus largement, quâest-ce que le Web3 de ton point de vue ?
Jâadore la philosophie de Bitcoin, les valeurs portĂ©es par le Web3 telles que la dĂ©centralisation et surtout, une meilleure rĂ©partition des richesses. Câest une opportunitĂ© unique de sortir de 20 ans de Web2 dans lequel les GAFAM se rĂ©partissent un Ă©norme gĂąteau sans partage, au dĂ©triment des utilisateurs et de la vie privĂ©e.
Cependant, jâai lâimpression quâon ne peut pas sâempĂȘcher de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes erreurs : je vois dĂ©jĂ les tentatives dâApple ou Meta de sâaccaparer les usages des NFT et taxer littĂ©ralement les crĂ©ateurs Ă nouveau. Si les utilisateurs ne font pas le bon choix, câest-Ă -dire celui de lâalternative, alors malheureusement on se retrouveras dans la mĂȘme situation quâaujourdâhui.
La technologie ne dĂ©cide pas pour nous, ce nâest quâun outil.
Pour mieux te connaitre, peux-tu nous livrer tes coups de cĆur Web3/NFT etc. ?
Ouf dur ! Je suis trop Ă©clectique, cela dit voici quelques artistes dont le travail mâa beaucoup touchĂ© et que je ne connaissais pas avant la montĂ©e de la blockchain.
Les fondatrices de la plateforme TheVERSEVerse : Kalen Iwamoto-Ana, Maria Caballero et Sasha Stiles, des poĂ©tesses entre autres qui ont su utiliser la blockchain pour amener la poĂ©sie Ă lâavant de la scĂšne culturelle.
Sofia Crespo (NDLR : que nous avions admirĂ© sur la scĂšne de NFT In Europe en septembre 2022), CymoonV, Memo Akten, Marjan Moghaddam et bien dâautresâŠ
La question est complexe mais selon toi⊠est-ce que « lâart peut changer le monde » ?
Câest trĂšs ambitieux de le dire, mais je pense que oui et câest mĂȘme plus large que cela : « la culture change le monde, câest ce qui reste quand on a tout oublie ».
 Câest difficile de le quantifier, mĂȘme si avec les rĂ©seaux sociaux, les compteurs permettent de savoir si une photo ou une vidĂ©o se viralise, pour le meilleur et pour le pire. Cependant, lâidĂ©e quâune image puisse vĂ©hiculer un message et fasse changer des comportements, jâen suis tĂ©moin.
Le « Inside Out Project » initiĂ© par JR, et que jâai dĂ©veloppĂ© Ă AthĂšnes en est un bel exemple. La capitale de la GrĂšce est multiculturelle et nous avions fait un travail dâhommage aux enfants de la rue. InspirĂ©es par un fait obscur de la capitale Grecque, (la disparition de plus de 800 enfants de rue) nous avons initiĂ© des conversations entre les enfants des diffĂ©rents classes sociales par le biais dâun travail de photographie et dâinstallation dans la rue.Â
Le rĂ©sultat fut incroyable : les enfants et parents, de diffĂ©rentes provenances socio-Ă©conomiques, se sont liĂ©s dâamitiĂ©s, le jour du collage des photographies dans la ville.
Les gens ont pris conscience de lâopacitĂ© du « nettoyage » organisĂ© par le gouvernement, nous avons Ă©veillĂ©s des consciences par le biais de lâart urbain.
Yvonne, peux-tu nous parler de ton actualité ?
Aujourdâhui, je porte deux Projets lies Ă lâimpact, qui sont ancrĂ©es dans mon passĂ©.
Le projet « J0ining the D0ts », qui est une émanation du Inside Out Project en mode Web3.
Cela dit, en raison de la complexitĂ© du projet, et la demande dâune Ă©quipe plus engagĂ©e, jâai du mettre le projet temporairement en « Hold ».
Projet Nero est le deuxiĂšme projet sur lequel je travaille activement : Une ode Ă lâeau ! Un projet que lâon travaille depuis 10 ans avec des artistes et des experts que nous amenons au monde du Web3 sur plusieurs formats, mais je prĂ©fĂšre ne pas trop parler jusquâĂ ce que tout soit plus concret.
Par ailleurs, je poursuis mon activitĂ© de consultante au profit de projets qui mĂȘlent blockchain et art. A ce titre, jâai montĂ© un cours pour former tous ceux qui veulent entrer dans cet espace de maniĂšre simple, ludique et avec des rĂ©fĂ©rences socio-culturelles de mon expĂ©rience.
Enfin, je soutiens beaucoup de causes autour du changement climatique, de lâinclusion, du women empowerment, la solidaritĂ©. Je suis dĂ©finitivement une militante !
Conclusion
Difficile de rĂ©sumer une carriĂšre aussi riche et des combats aussi justes que ceux dâYvonne Senouf en un seul Letâs Talk ! Son background, son Ă©nergie et sa verve sont communicatifs. Chez HelloToken, on adore les BUILDers aux valeurs positives !
Lien(s) utile(s)
Tedx (YouTube)
Interview Ă lâuniversitĂ© Colombia
Archives de Clinica Aestetica
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